Ils ne se sont évidemment pas cassés pour le titre de leur album qui fait en plus écho à leur More de 1980. Pas plus que sur le visuel mornement gris à peine rehaussé d'un lettrage embossed. Mais l'essentiel est ailleurs : 29 ans après leur dernier morceau de bravoure, les Specials sont de retour.
Et l'énergie, la flamme sont toujours là. Alors il s'en trouvera pour arguer que cette mouture est orpheline de Roddy Rhyers Radiation le deuxième guitariste présent dans les récentes reformations live. Qu'hélas John Bradbury et sa frappe si sèche ont rejoint il y a déjà quelques années le royaume des ombres. Et que l'idéal eût été de revoir Neville Staples voire l'âme damnée et principal pourvoyeur de chansons des débuts triomphants Jerry Dammers. Mais la cause pour brouille prolongée était perdue d'avance.
Nous voici donc avec deux tiers de Fun Boy Three, Terry (Hall) et Lynval (Golding) toujours assistés de Horace Gentleman Panter. Ce dernier et son jeu de basse flamboyant sont les derniers représentants de l'historique section rythmique ; tandis que l'impeccable Lynval Golding assure la caution black de Neville. Par ailleurs, les trois "historiques" ne sont pas accompagnés par des manchots. Ainsi c'est Steve Craddock l'homme de main de Paul Weller, membre honoraire des Ocean Colour Scene qui vient placer quelques fulgurants soli empreints de wah wah comme sur l'étonnant "B.L.M" pour Black Life Matters, morceau de bravoure de Lynval. Ou la riante adolescence d'un jeune Jamaïcan dans l'ouest des Midlands lors que la très accorte devise "No Blacks No Dogs No Irish" fleurit sur les murs de la perfide Albion.
Toujours très politisés les Specials font feu de tout bois et sous d'indomptables beats carribéens revisitent leur mythique "The lunatics have taken over the asylum" et sa fameuse ligne 'I see a clinic full of cynics" créé du temps des Fun Boys Three. En ces temps de Brexit non triomphant, une sage initiative. Oecuméniques en diable, lorsqu'ils ne revisitent pas leur propre répertoire ou des compositions récentes testées live, ils s'emparent avec entrain du "Black skin blue eyed boys" des Equals, premier groupe pop multiracial de l'Histoire.
Dans un disque impeccablement produit, quelques titres supplémentaires sortent du lot. Dont le rageur "10 commandments" mis en lumière par l'activiste féministe Saffiyah Khan littéralement déchaînée derrière le micro. Cette dernière rendue célèbre pour s'être opposée aux membres des forces de l'Ordre et notamment des milices d'extrême-droite venues pour en découdre auprès d'une femme voilée a été découverte par le groupe car elle portait un tee-shirt floqué du nom... des Specials lors de l'échauffourée. Là dans un reggae belliqueux et pamphlétaire, elle délivre l'une des plus tonitruantes déclarations de féminité qui soient. Et ceci n'est pas sans rappeler les récentes embardées militantes de Farai.
Mais le plus brûlant et le plus réussi des nouveaux hymnes des héros de Coventry demeurera sans conteste le fédérateur et irrésistible "Embarrassed by you" chanté de concert par Terry et Lynval. Dans un très beau texte qui renvoie aux laissés pour compte antillais, ces descendants du Paquebot Windrush de l'après-guerre qui se sont vus de façon très cynique dépossédés de leurs droits civiques par le gouvernement britannique. "We never fought for freedom / for nasty little brutes like you / to come undo the work we do / embarrassed by you"". Féroce diatribe qui résonne longtemps après.
Mais le plus brûlant et le plus réussi des nouveaux hymnes des héros de Coventry demeurera sans conteste le fédérateur et irrésistible "Embarrassed by you" chanté de concert par Terry et Lynval. Dans un très beau texte qui renvoie aux laissés pour compte antillais, ces descendants du Paquebot Windrush de l'après-guerre qui se sont vus de façon très cynique dépossédés de leurs droits civiques par le gouvernement britannique. "We never fought for freedom / for nasty little brutes like you / to come undo the work we do / embarrassed by you"". Féroce diatribe qui résonne longtemps après.
Le baroud d’honneur du grand Terry Hall hélas disparu en 2022.
En bref : le meilleur come back d'un groupe légendaire. Les Specials envoyaient toujours du bois et demeuraient dans le coup musicalement. Que demander de plus ?
2 Comments:
Super disque, je me régale à l'écouter cet été ! Il me fait penser à l'excellent retour de Madness en 2009 (déjà!). Bises
Hé hé j'aime à te voir si enthousiaste Ju.
Oui, il y a un paquet de chansons pour chiller intelligent dessus.
Et bien sûr, comment ne pas penser à l'autre génial groupe phare du revival ska ?
Comme on dit, les grands groupes ne meurent pas, ils s'absentent.
Et réécoute les deux premiers albums historiques mec !
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