Voilà déjà deux semaines que le couperet est tombé, David Berman - tête pensante du groupe américain Silver Jews - a été retrouvé mort à 52 ans, pendu dans une chambre d'hôtel de New-York. Le choc. La liste de mes idoles suicidées n'en finit plus de s'allonger (Elliott Smith, Sparklehorse, Vic Chesnutt, Gravenhurst, Jay Reatard...), de quoi sérieusement se remettre en question. Qu'aime t-on tant chez les artistes inadaptés ? Où commence le voyeurisme ? Le talent est-il proportionnel au nombre d'addictions ? Pourquoi ? Et à chaque fois l'occasion, comme s'il en fallait une, douloureuse, de se replonger dans leur discographie, pour essayer de comprendre.
Alors qu'on le croyait enfin revenu, cette année sous un autre nom avec le testamentaire Purple Mountains, après dix ans d'absence, on se plaisait à croire que ça allait mieux. Et puis non. Et en plus il a de la gueule cet album. Du genre de ceux qui n'y vont pas par quatre chemins. Instant classic comme on dit. Mais bon on ne va pas se mentir, un titre comme "All my happyness is gone" annonçait clairement la couleur. Les démons une fois installés ne sont jamais bien loin. Ca avait déjà été le cas en 2008 avec le très élégant Lookout Mountain, Lookout Sea qui ressemblait fort à l'album de la maturité, celui où David semblait chanter comme un crooner apaisé.
J'aurais aussi bien pu choisir Starlite Walker ou Natural Bridge, ses deux premiers albums impeccables. Le monde y découvrait une folk déglinguée à la sauce Pavement. Une étiquette trompeuse, sans doute due à la présence au sein du groupe de Bob Nastanovich (absent sur American Water) et de Stephen Malkmus, ce qui a longtemps fait croire que Silver Jews n'était qu'un side project de Pavement. Mais c'était bien plus que ça. C'était la vision drôle et triste d'un poète et dessinateur de Nahville à jamais déprimé. L'amertume du savoir poussée à son paroxysme.
Mais non, s'il ne devait en rester qu'un, ce serait American Water, suite digérée à The Natural Bridge. Soit douze pistes enregistrées en tout analogique en trois semaines tumultueuses à New-York, mixées à Abbey Road. Toujours soutenu par l'indéfectible label Drag City, maison mère des prestigieux collègues Bill Callahan ou Bonnie Prince Billy. David venait de lutter fort contre ses additions et souhaitait plus que tout enregistrer ce disque "comme n'importe quel groupe normal". Il constitue à mon sens le parangon de l'Americana sans effort, où tout coule de source, enfoncé dans un canapé avec ses potes.
Et il ne faut pas attendre longtemps. Dès "Random rules", l'excellence est posée, sous forme de balade douce amère orchestrée tout juste ce qu'il faut. On est pendus aux lèvres d'un Berman qui nous raconte tranquillement son mal de vivre. Puis s'en vient l'un des rares "tube" de Silver Jews, d'une immédiateté à toute épreuve, j'ai nommé "Smith & Jones forever", inhabituellement enjouée et rythmée, avec refrain et tout. Et puis il y a les morceaux co-écrits avec Stephen Malkmus, comme "Federal Dust" ou "Blue arrangements", où la touche Pavement est immanquable mais se marrie à merveille avec la voix de Berman. Le reste n'est plus qu'Histoire.
2 Comments:
Tu as très bien décrit le caractère inadapté de tous ces artistes que nous chérissons tant. Et effectivement, avec Berman on en tenait un bon dans tous les sens du terme.
Neal Casal vient de lui emprunter le pas hélas.
Merci. Et oui Neal Casal aussi. Ah, et je savais que j'en oubliais un autre, dans la même veine, Jason Molina. Décidément.
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