L'époque est aux noms de groupes cons pour les anglophones. Surtout s'ils sont inspirés par la bouffe. Qu'on en juge : chou, laitue, calmar, oies (associées au fois gras consensuel du même nom). Avec même pas et c'est dommageable, l'ajout du "the" pour faire passer la pilule, comme à l'ancienne ou lors du revival du début des années 2000. "The" mis devant un nom au singulier n'eût c'est vrai pas eu plus d'effet.
En revanche THE Geese ; car tel est le patronyme de la nouvelle coqueluche indé en provenance de Brooklyn : 5 jeunes blancs-becs dont les âges cumulés n'atteignaient pas en 2021 celui du vénérable acteur Michel Bouquet de nos contrées.
La presse comme souvent paresseuse, a vite fait de décider que l'on tenait là les nouveaux Strokes, comme si cette référence devait être un gage d'absolution. Sauf que les Strokes (on ne pouvait pas leur enlever) ne s'habillaient pas comme des sacs avec tee-shirts informes et pantalons baggy criards. Et qu'à notre connaissance aucun de leurs guitaristes ne portait de robe.
Et que les jeunes gens de Geese se disent davantage influencés par Pink Floyd, Yes ou King Crimson (heureusement ça ne s'entend pas trop sur ce debut) et qu'ils louvoient de fait davantage vers le son des Talking Heads et de Television, autres influences avouées.
Alors, que penser de ce nouvel avatar que brandit affolée la presse musicale internationale dont aucune ne tarit d'éloges sur Geese ? Que penser de cette énième next big thing dont les deux premiers concerts parisiens passés et à venir se situent à l'International (une cave de 80 places) et le Point Ephemere (à peine le double de jauge) - bien sûr, ils ne vont pas remplir le Zénith tout de suite..
Eh bien, que ce premier LP est formidable d'un bout à bout et que fidèle à ses visuels intrigants qui évoquent tout à tour la forêt enchantée du Village de Night Shymalan (NDA) et... on ne sait trop quoi pour ce qui est des versions clipées des titres, les 40' de Projector passent comme dans un songe. Dès "Rain dance", Geese la joue moins cul-serré que ses illustres devanciers et arrive à sortir une sorte de groove inattendu. Signe des temps, "Low era", funeste réflexion anxiogène sortie en single, lui emboîte le pas, avec un roué chant de fausset en guise de couplet. Irrésistible. Puis arrive un autre peak sur les 9 titres que comporte l'album, la ligne de démarcation de "Fantasies / survival" consistant en une hilarante accélération du tempo, avec guitare débridée et tout.
Cameron Winter chante d'une voix blanche et pleine de morgue des textes centrés sur lui-même, dont les perspectives ne dépassent pas les parois étroites du basement servant de salle de répét'. Son groupe, en proie comme tout le monde au confinement ("Low era", "Disco" et ses 6 brillantes minutes), aux amours déçues ("Opportunity is knocking") rappellent parfois les interrogations adolescentes et pleines de candeur du jeune Alex Turner (Arctic Monkeys).
Puissent les années 2.2 faire durer la flamme et l'enthousiasme des cinq jeunes garçons, et à l'instar de certains de leurs devanciers ne pas leur faire endosser des vêtements trop grands pour eux. Surtout quand il s'agit déjà de fringues baggy.
En bref : la nouvelle coqueluche du rock indé US. On entendra confirmation lors du toujours difficile deuxième album. Mais l'excitation et l'originalité sont déjà palpables. Projetons-nous.
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