Nul n'est prophète en son pays. Apparus dans leur fief de Glasgow au tout début des eighties, ce quintette écossais fit notamment parler la poudre en Europe et notamment en France via l'excellent label New Rose qui le distribua. Déjà auteur de quelques singles, d'EP's et d'un premier effort remarqué (le formidable Sound Hole de 1986), le groupe emmené par le songwriter Michael Rooney responsable de 95% du répertoire, se démarquait d'entrée de ses compatriotes. Qui tous à l'image de The Jesus And Mary Chain, Teenage Fanclub ou Pastels marquaient le renouveau du rock calédonien dans un mode brumeux, avec distorsions certifiées British propres au rock indé de la perfide Albion sous pré-influence shoegaze.
Les Primevals s'en démarquaient, qui puisaient exclusivement leur mojo dans le rock US et le blues pionnier des prairies (le "Prairie chain" de l'album précédent). Avec la slide à l'honneur sur tous les titres : morceaux de bravoure des deux guitaristes Malcolm McDonald et Gordon Goudie. ; Rooney n'était-il pas dès le commencement obsédé par le Gun Club ? Les thèmes des chansons empruntent invariablement à la culpabilité, à la mort, à la spiritualité, au mysticisme et doivent fièrement leur tribut au Blues du Delta ("I ain't ready for an early grave" sur la bien nommée "Early grave"). Ils n'étaient encore une fois pas nombreux à nourrir de telles influences dans le Royaume-Uni du milieu de la décennie maudite."Fertile mind", "Bleeding black" et son magnifique accompagnement de B3 ramènent immanquablement aux grandes oeuvres concomitantes de Jeffrey Lee Pierce ou bien de Green On Red voire du Dream Syndicate... en gros ce qui se faisait de mieux à la même période chez l'Oncle Sam.
Michael Rooney a de plus ce chant habité, ce timbre particulier qui lui confère quasi un âge mûr voire avancé. C'est particulièrement vrai sur les thèmes les plus douloureux que sont "Fertlie mind", "Follow her down", "My dying embers", "Bleeding black" ou "Burden of the debt", "Fardeau", "Saignée", "Tombe" "Cendres", le champ lexical est à l'avenant de ces chansons d'auteurs qui puisent également leur influence vers le jazz destructuré d'un Captain Beefheart ou de Pharoah Sanders". Quelle bonne idée que de reprendre sur un 45 tours inclus dans l'album, le fameux "Diamonds, furcoat, champagne" de Suicide et de le parer de stridences de saxophone bienvenues. Ceci est la face la plus expé des Primevals qui n'a pas été la plus donnée à entendre. On peut aussi citer l'ébauche d'instrumental "Pink catsuit- part one" qui dans sa version complète et hélas non comprise dans l'album original, offre toute la singularité et l'éclectisme unique de ces Ecossais obsédés par la tentation, le remords et les références Bibliques d'un Nick Cave.
Ce qui concourt à faire de l'oeuvre des natifs de Glasgow et notamment de leurs premiers disques une production qui mérite de rester, c'est sans nul doute le savoir-faire immédiatement reconnaissable de justement leur producteur Richard Mazda. Déjà responsable du son ciselé du premier et mémorable albums des Fleshtones ainsi que d'oeuvres marquantes de The Fall, Mazda a aussi travaillé avec des funkateers tels Average White Band ou bien Neneh Cherry. Il sait mieux que personne enluminer une instrumentation riche - les Primevals étaient cinq à leur âge d'or et jouaient de plusieurs instruments. Cette brillance du son qui n'oublie pas de bastonner à l'occasion (feedback et la basse de "Justify'') participaient ainsi pleinement au son du groupe. Dont les deux premiers efforts étincelants et atypiques n'ont pas vieilli.
En bref : il faut redécouvrir ce fier combo écossais qui tel de nombreux autres n'a pas obtenu un succès commercial à la hauteur de son talent ni du crédit que lui ont accordé les critiques.