Sous un portrait dessiné par Seb Jarnot qui signera aussi un an plus tard l'illustration de Parade au Cirque Royal, parfaitement raccord au contenu de son 11ème album studio, Sheller à la croisée des chemins se réinvente en cette année 2004.
Fort du succès obtenu avec Sheller en Solitaire (91), l'artiste a renoué avec le rock à l'artillerie lourde d'Albion (94) et le classico-futurisme de Les Machines Absurdes en 2000. Aussi le pianiste auteur-compositeur-interprète le plus chevronné de France n'a-t-il plus rien à prouver.
C'est donc tout à fait confiant et bien que conscient des contraintes techniques qu'il décide d'enregistrer son nouvel album chez lui à la campagne.
C'est avec deux micros ambiance, deux micros miniatures installé à l'intérieur de son piano ainsi que d'un micro-voix que le doux assemblage de cette oeuvre courte (32'37'') mais essentielle prend forme. Où "le voisinage des canards, le vol des mouches" (dixit l'artiste) et de certains bruits et craquements parasites rendent l'affaire pas si aisée lors de l'enregistrement. Néanmoins Sheller sacrifie à l'exercice d'ascèse qu'il s'est imposé et réussit à mener à bien son affaire de façon à ce qu'Epures dépasse le statut de démo améliorée.
Ouverture en fanfare avec le brillant "Mon hôtel" et ses envolées pianistiques, vrai-faux témoignage d'un artiste en rupture de ban avec son métier. Suivi d'une tendre "Chanson d'automne" ode à l'union des solitudes inspirée par Jeanne Moreau, où le langage simple et direct de Sheller fait une nouvelle fois merveille. Tout comme sur le ticket gagnant "Loulou" / "Toutes les choses qu'on lui donne" dévoilées toutes deux lors de l'outro d'un journal télévisé (qui fit date) en nos contrées : sublimes contes superbement et respectivement introduits ; "Dans la petite rue qui mène au bout du port / En face de l'atelier des dentellières" / "Je lui avais donné et mes heures et mes nuits / Les clefs de ma porte et des choses de ma vie / Et voilà bien des jours que j'attends qu'elle revienne" dont on attend fébrilement le dénouement.
En 12 titres d'une musicalité jamais prise en défaut dont 3 instrumentaux (merveilleux "Cantilène" qui clôt l'album), l'artiste n'oublie pas de revisiter son oeuvre comme il l'a abondamment fait dans sa carrière avec par exemple des relectures d'anciens titres comme "Excalibur" sur Albion, ou "Comme je m'ennuie de toi" sur Stylus, dernier album de son oeuvre. Ici ce sont les "Machines absurdes" de l'album éponyme qui se voient retravaillées dans leur plus simple appareil.
Le seul vrai défaut de cet album c'est bien entendu sa brièveté tant on ne reste pas insensible devant les sommets charmeurs et "gymnopédiques" de toutes ces chansons mélancoliques - on citera encore la merveilleuse "Clandestine" ou bien cette pièce évoquant l'un des maîtres de William Sheller-Mac Leod, Maurice Ravel auquel un hommage sous-jacent est rendu via la pièce miniature "Pour la main gauche".
Sans doute la manière la moins pontifiante et la plus pertinente d'évoquer la Grande Musique.
En bref : la substantifique moelle mélodique de William Sheller se trouve sans doute dans cet album miniature où il rend hommage au roi des instruments, après des parenthèses pop et rock bienvenues.
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