The Cure : ses intros lourdingues et interminables, ses outros complaisantes et pompières, ses nappes de synthés dégoulinants, ses "tu-tu-du tu-tu-du" assénés par un Robert Smith aussi dégoulinant que son maquillage, cette enfilade de singles vilains aux sonorités de trompette prout et de pizzicati berk...
Passé ce constat peu amène mais assez représentatif du monstre médiatique que le groupe est devenu depuis 1985 et un certain passage chez Drucker, l'heure est à la réhabilitation et à la remise en cause.
Pas spécialement du côté de la critique oh non. Qui atteste pour le plus grand nombre d'une mort cérébrale du groupe remontant au culte Pornography de 1982 (assez difficile à réécouter après toutes ces années) et pour les plus futés au psychédélisme animalier et fourre-tout de The Top, dernier album bénéficiant d'une patte et d'une production qui ne louchent pas vers les radios
De tout cela, l'omnipotent leader hirsute est conscient ; puisqu'il décide d'alléger en calories la nouvelle livraison de The Cure, délestant les nappes de claviers et les intros complaisantes du précédent album - ce très disgracieux Disintegration pourtant porté aux nues par les fans et Smith lui-même.
Pour la première (et dernière) fois depuis son avènement, le groupe va muscler son jeu, durcir les guitares comme dans The Top, permettant accessoirement au formidable Porl Thompson d'être mixé plus en avant. L'époque est au grunge en Amérique tandis que le Royaume-Uni après une parenthèse shoegaze a viré franchement noisy. Robert Smith conscient de cet état de fait et toujours à l'affût des nouveautés, veut s'en inspirer et faire davantage sonner son groupe comme Ride voire My Bloody Valentine dont il a le bon goût de s'enticher.
Alors, demeurent ci et là des morceaux trop longs mais ce sont souvent les meilleurs, des comptines un peu stupides avec des réminiscences de "tu-tu-du tu-tu-du" telles l'anodin "Wendy time", quelques morceaux tardant à démarrer et le disque à nouveau double, dépasse l'heure.
Néanmoins, on n'avait pas connu The Cure aussi saignant depuis longtemps - quelques fulgurances sur Kiss Me Kiss Me Kiss Me, album aux chansons souvent formidables mais ruiné par une production tape-à-l'oeil et la tournée consécutive à The Top.
Rien que la première face est une sorte de sans-faute avec le violent "Open" que n'aurait pas renié Kevin Shields. "High" tout comme le délicieux "Friday I'm in love" sont les simples plutôt légers et avenants du disques, beaux dans leur simplicité sans chichi. "Apart" est ce titre cafardeux à peine murmuré qui fait mouche et où affleurent quelques claviers. Mais dans l'ensemble, on a bien muselé Perry Bamonte.
The Cure qui comme 80% des groupes pop n'a jamais donné dans le génie harmonique, sait malgré tout y faire dans l'accroche mélodique d'un riff de basse ou bien d'une progression mélodique assénée par l'infernale guitare de Porl et cela donne donc "From the edge of the green sea" un morceau qui bien que déployé sur près de 8', est assez irrésistible et enfiévré, l'une des grandes réussites du groupe toutes périodes confondues.
En guise d'épilogue, les coups de boutoir de "Cut et "End" achèvent de porter l'estocade d'un disque ne relâchant jamais une tension et une électricité d'autant plus bienvenues qu'on ne les lui connaissait plus depuis lurette.
Assez curieusement, Wish fait généralement partie des mal-aimés des albums de la discographie du groupe. Le public américain à qui on reproche souvent d'avoir la vue basse, se montre en revanche plus inspiré en offrant à la formation de Robert Smith les meilleurs chiffres de ventes de sa carrière avec cette oeuvre. On attend (ou pas) depuis une suite de cet acabit.
En bref : le disque mal aimé mais très bien vendu, de l'un des derniers mastodontes pop. Depuis, le groupe n'a plus rien fait de vraiment notable.
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