Ces fiers gallois ont toujours été à part. D'une reconnaissance universelle, celles des critiques chevronnés. De leurs pairs qui sans oser trop leur chercher des poux ne les citent bizarrement presque jamais. Ceci est d'autant plus notable que les Manic Street Preachers quoique preux travaillistes ouvriers indomptables et indépendants d'esprit, ont bel et bien fait partie de la fameuse scène brit-pop des années 90. Dont on ne retiendrait des décennies plus tard que les noms d'Oasis et de Blur. Mais quel aura été le groupe le plus endurant et à la meilleure longévité on vous le donne en mille...
Alors c'est vrai que les Manics auront rarement brillé sur album : le deuxième est inintéressant, le troisième est à moitié raté. Il y eut cette belle épiphanie que le groupe a réussi à conjurer sur leur quatrième Lp qui coîncidait pourtant avec la disparition du supplicié Richey James Edwards. Et qui a perduré le temps de This Is My Truth Tell Me Yours (1998) mais pour tout le reste de leur carrière, de très bonnes chansons éparpillées au gré d'une discographie pléthorique mais anodine. Tout ça ne saurait faire oublier qu'à leur émergence à la fin des années 80, ces fiers prolétaires faisaient le buzz, étaient le dernier groupe craint à interviewer. Des nihilistes et situationnistes brandissant haut et fier leurs origines ouvrières et qui renvoyaient aux slogans punks les plus intransigeants. Des Sex Pistols du pauvre diront certains. On serait plutôt tenté de dire avec le recul qu'ils supplantaient ces derniers au moins pour ce qui est de l'attitude et de l'intransigeance. Des espèces de zozos qui n'hésitaient pas à se scarifier en interview, en particulier ce jeune homme dépositaire des textes offrant le visage dérangeant d'une belle gueule anorexique et suicidaire. Et dont le torse ornait la pochette de ce premier effort. Richey James Edwards puisque c'est de lui qu'il s'agissait était en quelque sorte et jusqu'à sa disparition jamais élucidée le membre le plus emblématique du groupe. Pourtant, celui qui tenait la rythmique sur scène ne jouait pas une seule note sur disque ; toutes les guitares étant invariablement assurées par le chanteur James Dean Bradfield.
Donc pour défendre le bout de gras, le jeune groupe s'était lancé comme défi de battre Guns N'Roses sur son propre terrain juteux et de vendre plus de disque qu'eux. Challenge perdu d'avance mais que Manic Street Preachers forts de sentences anti-capitalistes ("Natwest-Barclays-Midlands-Lloyds'' entre autres) bien senties, rendrait très populaire sur les îles Britanniaques. Generation Terrorists étant double, offre une moisson de singles qui sont comme autant de titres marquants. Impossible en effet même après toutes ces années de ne pas voir figurer sur la setlist du groupe, des titres aussi inusables que "Slash and burn", "You love us", "Love's sweet exile", "Stay beautiful" ou le classique d'entre les classiques du groupe, ce superbe "Motorcycle emptiness" qui fustige encore et toujours la société de consommation et la culture cheap. Il y a aussi la touchante "Little baby nothing" qui raconte la trajectoire brisée d'une couverture de mode en proie aux regards libidineux. Et ça n'est ni plus ni moins que la mythique pornstar retraitée Traci Lords qui prêtait son concours à ce troublant et apaisé morceau.
On peut ainsi envisager le legs des Gallois sous deux angles nettement distincts : des textes souvent d'une plus grande subtilité qu'il n'y paraîtrait. Ils se fendraient ainsi en 1998 sur leur 5ème album d'un morceau d'une rare finesse sur la transsexualité ("Born a girl" sur This Is My Truth Tell Me Yours).
Ou bien se contenter de mélodies et parties de guitare foutrement excitants assénés par un James Dean Bradfield des plus inspirés. Et qui convainc dans son jeu même quand il ose les plans les plus outranciers comme sur ce hilarant "Condemned to rock'n'roll" qui clôt l'album, condensé réjouissant des pires clichés de la 6 cordes. A la démesure du challenge initial de Generation Terrorists.
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