Il est de ces renaissances qui ne frappent pas que les individus new-born. La pop musique contient en effet de spectaculaires métamorphoses. Prenez les Damned par exemple, l'une des deux trois plus grandes incarnations punk de Grande-Bretagne. Personne n'aurait misé un kopeck sur eux lors du départ de leur guitariste et unique compositeur Brian James. C'est pourtant par cette défection là -James parti former les Lords of The New Church avec trois autres mercenaires du rock- que les Doomed car tel est leur nom d'emprunt lors de cette parenthèse erratique, vont renaître de leurs cendres.
Et le premier changement notable est le glissement de Captain Sensible à la guitare, l'ex Saints et alccolisé Algy Ward prenant sa relève à la basse, contribuant pour beaucoup à un jeu beaucoup plus hooligan que son prédécesseur. Dès lors, le reste des Damned historiques va se muer en un redoutable combo au sein duquel tout le monde le Captain en tête va composer. Il s'agit sans doute là d'une des plus spectaculaires et sans doute unique réincarnation de l'histoire récente du punk.
Passés essentiellement maîtres dans l'art du single marquant - car les punks n'ont peu ou prou pas réalisé d'albums valant le coup in extenso - The Damned passent en 1979 à la vitesse supérieure et vont signer tour à tour trois albums fondateurs, en faisant valoir aussi leurs influences garage et psychédélique.
Après tout, nos hommes ne singeraient-ils pas Shadows of Knight au verso de leur futur Black Album ? Enfin, l'esprit punk et iconoclaste était encore là ; il n'y a qu'à voir l'hymne d'ouverture balayé par la Rickenbacker de Ward, ce "Love song" souverain, l'un de leurs plus parfaits hymnes ("je serais l'ordure si tu étais la poubelle", magnifique). Et que dire du morceau titre, aussi connu sous sa citation "Second time around" qui envoie tout bouler ; pas de doute, les Damned n'ont pas perdu leur esprit potache ; d'ailleurs sur son portrait de pochette intérieure, Rat gratte le cul de la Statue de la Liberté. On n'en est pas encore au prog ni aux digressions sur Rimsky-Korsakov donc. Quoique...
Sur le troisième single "I just can't be happy today", pas une note de guitare à signaler mais une ligne de synthé saturée et obsédante. Et sur "Plan 9 channel 7", les Damned lâchent les chevaux de leurs obsessions Pink Floydiennes tout en les combinant à d'alors obscures références aux petits hommes verts ; Ed Wood n'étant pas encore remis au goût du jour. Avec toutefois, un tempo qui demeure rapide, faut pas déconner non plus. Machine Gun Etiquette est ainsi rempli de brûlots emportant tout sur leur passage.
Aux morceaux cités, il conviendrait d'ajouter 'Melody Lee" qui trompe son monde avec son intro altière au piano, et surtout surtout, un exceptionnel brelan de chansons qui relègue à tout jamais le précédent guitariste des Damned aux oubliettes. Avec "Noise noise noise", venu à point nommé après le "Neat neat neat" de Damned damned damned (!) et sur un rythme toujours Keith Moon de Rat, les indomptables de la scène punk donnent tout. Et dynamitent même leurs autres idoles MC5 sur une incroyable relecture de "Looking at you". Où l'utilité de la reprise prend ici tout son sens car on est bien loin ici de la version scolaire et bâclée de "I feel alright" du premier album.
Enfin, il y a ce morceau définitif où la guitare on ne plus inspirée du Captain envoie les Damned dans une autre dimension. Qui aurait pensé quelques années plus tôt ce groupe capable d'une telle inventivité lors du break d'anthologie de "Anti-pope" ! Le morceau envoie un pont à couper le souffle sur lequel tous les gimmick de guitare, des accords ligne claire aux montées en bend et un solo digne des plus grands, sont là.
Lorsque "Liar" qui n'aurait pas déparé sur le premier album laisse la place à "Smash it up" sur lequel Scabies se fait presque motorik et Dingerien, l'on se dit que nos irréductibles se sont assagis. Pas du tout, il s'agissait d'un leurre leurre leurre.
Les Damned signaient là leur premier manifeste d'importance dans une période qui allait se révéler extrêmement faste pour eux. Et bientôt les faire culminer avec leur ultime chef d'oeuvre, le méconnu Strawberries.
Les splits maintes fois annoncés, les fâcheries entre Captain et Rat, les coupes de cheveux goth de Dave... et tout le reste, appartiendraient désormais à l'histoire.
En bref : l'acte de naissance significatif sur album de l'un des plus importants groupes de la scène punk londonienne. Qui signait là un premier chef d'oeuvre post-punk. D'autres allaient suivre.
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