Belle & Sebastian, confrérie de neurasthéniques vivant reclus dans une chapelle. Et qui gagnent via le biais universitaire de quoi enregistrer un single qui deviendra un album, le très culte Tigermilk (96), 1000 vinyles pressés, un temps uniquement l'apanage de quelques heureux initiés. Bon, ces jeunes gens avaient un talent certain pour oeuvrer une pop raffinée un brin filiforme ; certains diront chichiteuse. Sans doute un autre point avancé aussi bien par ses partisans que par ses détracteurs, l'analogie avec les Smiths, notamment pour la représentation graphique : les pochettes toutes ou presque monochromes reprennent des portraits. A la différence que les photos de proches ou de membres du groupe remplacent les modèles, acteurs ou écrivains. Ici deux chanteuses islandaises d'un groupe ami (Mum).
Sur ce 4ème album au titre abscons déniché sur une cuvette de WC public, sorti en 2000, Stuart Murdoch gardien du temple... et de la chapelle, en véritable leader du sextuor Glaswegian et amateur de foot, muscle son jeu. Encore que... ce qui plombait les meilleurs titres des bons mais très inégaux Tigermilk et If You're Feeling Sinister qui les révéla la même année, peut sembler perdurer une fois encore.
Sur "I fought in a war" qui ouvre superbement l'album, Belle & Sebastian semble peiner une nouvelle fois à lâcher les chevaux. Sur le premier disque, on assistait déjà au crescendo d'un premier morceau ("The state I am in") qui peinait à démarrer. Même chose avec le deuxième Lp et l'étouffé "The stars of track and field". C'était presque encore le cas avec "It could have been a brilliant corner", chanson inaugurale du magistral The Boy With The Arab Strap (98) qui démarrait timidement avant de donner sa pleine mesure et de monter le volume. Si "I fought in a war" finit par prendre son envol, ce n'est rien comparé à "Step inside my office, baby" ouverture de Dear Catastrophe Waitress, qui rue dans les brancards.
Pour l'heure la délicatesse s'aère : pour un "Beyond the sunrise" ascétique avec ses glissements sur le manche, que de titres où Belle & Sebastian se lâche enfin. Il y a tout d'abord "The wrong girl", vieille scie rodée par le groupe sur les routes et que le guitariste Stevie Jackson qui a pris du galon depuis The Boy... chante lead. Cela deviendra une habitude et c'est très bien tant sa voix ourlée complète idéalement celle chétive de Murdoch ; c'est le cas sur "The model" où les musiciens se répondent dans une ambiance baroque. Ou sur la rêveuse "Don't leave the light on baby" baignée de Rhodes et de cordes caressantes.
La douce Isobel Campbell emmène également très haut la mélancolique "Waiting for the moon to rise" et la pastorale "Family tree". C'est un régal que de l'entendre vocaliser entre deux titres de ses deux principaux compagnons de jeu.
Fold your hands... suit les mêmes traces de l'éclectisme que The boy.... Son tour de force consiste enfin à dégainer quasi à la suite deux fantastiques titres northern soul que sont "Women's realm" et "There's too much love" qui clôt avec majesté l'album "jaune". Quelle leçon.
Beaucoup ont considéré qu'il y a eu un avant et un après Fold Your Hands Child You Walk Like A Peasant. Les plus puristes, les plus snobinards (souvent les mêmes) considèrent même que ce disque ainsi que celui qui précède ont sonné le chant du cygne. Pour ce qui est des premiers, on ne saurait leur donner tort.
Car outre outre les partis-pris mainstream à venir et le futur tube "I'm a cuckoo" qui achèverait ceux qui chérissaient leur Tigermilk sur Electric Honey, ce disque signait aussi le départ d'Isobel Campbell lors de la tournée à venir. Stuart David, le bassiste co-fondateur du groupe l'ayant déjà précédée à la fin de l'enregistrement.
Bien sûr il y aurait encore de grandes chansons même si certainement plus à la même cadence ; mais Belle & Sebastian deviendrait pour l'éternité l'un de ces groupes indé au répertoire irréprochable et pérenne. Il n'y en a pas tant.
En bref : le meilleur album de Belle & Sebastian tout simplement. Qui contient sans doute deux de ses titres soul les plus ambitieux, ce qui ouvrirait la voie à d'autres déclinaisons du genre bienvenues.
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