Dans l'histoire de la pop, un chanteur sur trois imite John Lennon tandis qu'un tiers évoque Dylan vocalement. Enfin, le reste affecte le talk over et le phrasé de Lou Reed. C'est presque un axiome. On peut transférer ça aux groupes auxquels ces légendes se réfèrent. Alors si le chant ligne claire et point du tout écorché de Steve Wynn n'a rien à voir avec celui de ses illustres devanciers, son groupe à coup sûr fut à l'orée des années 80 et jusqu'à aujourd'hui l'un des avatars les plus convaincants du Velvet Underground.
Avec son nom inspiré d'une oeuvre avant-gardiste du début des années 70, le quatuor mené par l'excellent songwriter, était l'un des chefs de file du Paisley Underground, mouvement musical californien du début des années 80 qui faisait la part belle aux harmonies psychédéliques folk pop des Byrds avec force renfort de 12-cordes. Ses compagnons de jeu étaient les Long Ryders (une déclaration d'intention) ou les Three O'Clock.
Mais avec ses guitares brisées saturées façon le Neil Young électrique période Everybody Knows This Is Nowhere, des titres aussi évocateurs que "Tell me when it's over', 'Then she remembers'", "That's what you always say" ou "When you smile"; le quatuor que complétaient le fin et racé guitariste Karl Precoda, la féline et suave bassiste Kendra Smith et le batteur fidèle Dennis Duck, tenait plus des stridences new yorkaises que du sunshine angeleno.
Avec un art consommé de l'intro qui claque, caisse claire et riff de "Tell me...", solo sinueux du très énervé "Definitely clean", brûlots limite stoogiens ("Halloween", "The day of wine and roses", "Then she remembers), l'impeccable combo aux obsessions urbaines se fendait d'un premier effort irréprochable. Produit à l'arrache par Chris D. le mentor des Flesh Eaters, groupe punk culte de LA, c'est le moins que l'on puisse dire que les chansons parvenaient à exister sans la production qui va avec. L'album un peu à l'instar de ceux commis par les voisins du Gun Club sonne comme une démo améliorée, avec une rythmique très sourde par moment qui en même temps évite les terribles tics années 80.
Qu'à cela ne tienne. Wynn s'y révèle un chanteur et compositeur impeccable. Karl Precoda qui demeurera le guitariste du groupe pour l'également excellent Medicine Show (84) avant de s'envoler pour d'autres cieux est cette espèce de Richard Lloyd local, binôme de Wynn même si c'est Karl qui joue lead. Le fidèle batteur Dennis Duck qu'on entend parfois à peine est donc l'autre composant rythmique avec Kendra Smith qui très vite quittera le groupe pour se consacrer à Opal avec Dave Roback. Elle chante l'une des ballades "hawaiënnes" les plus alanguies et irrésistible qui soient, "Too late too late". Difficile de na pas y voir un clin d'oeil évident à un autre phare de la Grosse Pomme, le Too Much Too Soon des New York Dolls.
Un live fantastique (This Is Not The Nex Dream Syndicate Album..) encapsulerait la première période avec des versions de chansons souvent meilleures même que celles studio - pour le deuxième album notamment.
Par la suite, le Dream Syndicate a continué à sortir des disques souvent excellents, Out Of The Grey (86) Ghost Stories (88) malheureusement parfois ruinés par une prod clinquante et typique des années 80. Les chansons elles étant invariablement au-rendez-vous.
Avant que tout ce petit monde ne se sépare pour se reformer quelques décennies plus tard.
Les ados français défricheurs gardent un attachement infini à The Day Of Wine And Roses, acheté sur la foi d'un visuel de pochette étonnant : une espèce de Statue de la Liberté dans une pose implorante sou fond monochrome bleu pétard. L'excellent label havrais Closer, spécialiste ès-incunables rock à guitares US avait plus que fait le métier. Aux Etats-Unis, le disque était distribué par l'indépendant Ruby, déjà dépositaire du premier Gun Club.
En bref : l'excellent premier album du superbe songwriter Steve Wynn. Qui sous la bannière de son mythique Dream Syndicate a composé nombre de chansons marquantes et urbaines. Inévitablement l'un des plus crédibles héritiers du Velvet Underground.
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