08 septembre 2024

Nick Cave & The Bad Seeds - Wild God (2024)

Cet album de l'épiphanie qu'on n'attendait plus. Nick Cave et ses Bad Seeds ont à nouveau enregistré en France, au studio Miraval cette fois. Il fallait remonter loin (Dig, Lazarus dig!!! en 2008) et plus encore (Abattoir Blues / The Life Of Orpheus en 2004) pour retrouver l'australien à ce point fringant et son groupe aussi dynamique. Bien sûr entre temps l'artiste aura perdu deux de ses fils dont un auquel il a consacré un album déchirant ;  et c'est plus qu'un humain ne saurait endurer.

Les Bad Seeds originels ont peu à peu quitté le navire, laissant Warren Ellis quasiment seul aux manettes comme un substitut à Mick Harvey. Les notes profondes du Korg, magiques mais parfois ennuyeuses. ont peu à peu pris le pas sur les guitares menaçantes de jadis. On vénérait Nick Cave à son plus apaisé (The Boatman's Call, album certifié 100% ballades) mais on renâclait à ce son émasculé dont Warren Ellis le gratifiait depuis des années.

Voici Wild God ou le coup d'état permanent de l'orchestre, d'une chorale omniprésente qui donne une fièvre incroyable à l'ensemble. Déjà les deux singles distillés au début de l'été et que l'on retrouve ici rappellent forcément aux plus nostalgiques les grandes heures des Bad Seeds d'antan, avec violons princiers, rythmique souple des rescapés Martyn Casey et Thomas Wylder. Tout comme le morceau d'ouverture, le formidable ''Song of the lake" non utilisé en single dont l'esprit est plus que jamais à la parabole, à la rédemption ; Nick Cave évoque-t-il les berges du Styx auxquelles le sort contraire l'a amené ? Le crooner confirme en tout cas son retour en forme via le superbe morceau-titre qui offre en éruption un break gospel à mi-chemin.  

L'immense "Frogs (single de l'année ?) emboîte le pas à "Wild god" pour clore une entame qui justifie à elle seule la possession de cet album. Comme le dirait la mascotte de Groland, « c’est la fête ! ». Si le rythme ensuite retombe peu à peu ensuite, c'est pour donner libre cours à de tendres odes aux femmes aimées vivantes ou disparues dans une liturgie - pour les distraits, Nick Cave a toujours été obsédé par la foi et cité la Bible - qui n'a plus rien de plombante. Le magnifique "Final rescue attempt" convie l'auditeur à entendre les louanges adressés à son épouse Susie. Ou bien le très beau "O wow o wow 'how beautiful she is)" qui met les poils puisqu'il convoque le fantôme d'Anita Lane la muse des premières heures et créditée sur le premier Bad Seeds, récemment disparue. On entend ainsi sa voix samplée. 

Pas même l'inattendu et désagréable autotune sur ce dernier titre ni cette décevante pochette (alors qu'un si beau portrait orne l'intérieur) ne parviennent à minimiser l'impact du retour en grâce du prêcheur ; c'est un signe.

En bref : l'album de la résilience pour Nick Cave. Et des Bad Seeds pour ce qu'il en reste qui retrouvent enfin de leur panache. Certaines orchestrations frisent ici le sublime et de nombreux nouveaux classiques s'ajoutent au riche répertoire de l'artiste. Un retour au premier plan inespéré.

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