The Cure devait opérer un virage à 180 degrés pour son deuxième long format. On avait découvert le trio de Crawley en Buzzcocks balbutiants (The Imaginary Boys - 1979) ; on les redécouvrait un an après en émules de Joy Division. Un clavier monophonique et brumeux (on était loin des chutes du Niagara pompeuses de Distingration quelque 10 ans plus tard) et tenu par l'éphémère Matthieu Hartley y faisait ainsi son apparition ; tandis que l'emblématique Simon Gallup remplaçait poste pour poste Michael Dempsey à la basse.
Finis les brûlots maladroitement expédiés dans toute leur ingénue fraîcheur, place à des mid-tempos cafardeux mais jamais plombants contrairement au funèbre et éprouvant Faith (81) qui devait suivre. Le seul point commun entre les deux disques était encore cette voix juvénile et diaphane caractéristique des premiers albums de The Cure. Dans ce disque fondateur et indéniable première grande réussite, le groupe parvient à véritablement ficher la frousse aux auditeurs, usant de courts instrumentaux à teneur cinématographique très évocateurs : "A reflection", "The final sound" et notamment ce terrifiant "Three" qui n'aurait pas déparé sur la BO du Halloween de Carpenter. Emmené aussi par une batterie minimaliste souvent enregistrée à l'envers et la guitare en ligne claire (la marque des grands) de Robert Smith occasionnellement nimbée de chorus et de flanger. Aucun effet ne parasite cette six-cordes et lorsqu'il est à entendre une saturation, cela vient uniquement de la Fender de Gallup qui vrombit sur "At night". La délicate "M" est une ode à Mary alors fiancée et future Mme Robert Smith/ Même si le groupe fut taxé d'inviter au suicide sur le morceau-titre, Seventeen Seconds distille son spleen sans esbroufe. Clippé sommairement, "Play for today" ne sortira pas en single et c'est fort dommage tant sa mélancolie enlevée fait mouche au travers des harmoniques intelligemment posées par Smith. C'est au contraire le mastodonte "A forest" qui connaîtra les joies des charts. Tout le monde connaît cette incontournable des sets du groupe qui paraît ici bien chétive en comparaison avec les versions puissantes données live ; et l'on pense évidemment à la version définitive figurant sur le live Concert de 84. On lui préférera sans doute d'autres morceaux parmi lesquels la chuchotée "Secrets" ou l'irrésistible "In your house" devenue au fil des années l'un de ces autres classiques à la beauté immuable.
Premier disque d'une auto-proclamée trilogie que chérissent de nombreux aficionados curistes, Seventeen Seconds est doublement d'importance : d'abord il lance véritablement la carrière de The Cure et c'est sans doute celui qui supporte le mieux l'épreuve du temps en dépit d'une batterie datée au Carbone 14. Plus mélodique que Faith, bien moins emphatique que Pornography, l'écoute du premier classique du groupe ne nécessite pas dans son cahier des charges d'être habillé comme un croque-mort.
Ce disque, il convient de se le procurer dans sa version britannique d'origine pour en apprécier la superbe pochette texturée.
En bref : l'envol d'une carrière à la longévité sans pareille dès ce deuxième album digne de ses inspirateurs new-wave. Un style encore balbutiant mais déjà des chansons aux allures de classiques.
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