29 octobre 2024

Einstürzende Neubauten - la Cigale (Paris) - 27/10/24



 De retour à la Cigale après une longue pénitence, Einstürzende Neubauten a fière allure avec son leader Blixa Bargeld en Monsieur Loyal décadent, paillettes sur paupières et baderne au vent, Ses fidèles grognards ne sont pas en reste :  Jochen Arbeit qui passe le set assis tire des sons irréels de sa guitare, Alexander Hacke, les jambes en V est arc-bouté sur sa basse comme Dee Dee et bien sûr l'inamovible N.U Unruh encore et toujours dévolu aux percussions et fidèle au patron. Derrière ça martèle et les ustensiles industriels sont de sortie. Solo de caddie, turbines en folie, slinky jouant le rôle de Theremin, assemblages de tubes et d'ondes dignes d'une expo surréaliste à Beaubourg, riffs de perceuse, on en jette encore ?
Dans un set extrêmement généreux de 18 titres en près de 2 heures et deux rappels, les précurseurs métallurgistes berlinois revisitent essentiellement leurs tout derniers albums et notamment Alles In Allem qui pour cause de COVID n'avait pu être défendu - très belle interprétation sobre et touchante du morceau-titre qui déférence oblige et break dans le turmoil, semble moins ambiancer. Qu'à cela ne tienne, le morceau est superbe.
Sinon, une part belle est faite à Rampen... l'excellent Double Yellow en date d'où émergent le fabuleux "Gesundbrunnen", "Besser isses", le très bel hommage au fils transgenre de Blixa ("Seven screws" présent sur l'album précédent) ainsi que "Grazer Damm" ou " Ten grand goldie". Au sujet duquel un Blixa hilare nous apprend que le "Berlin Berlin" que l'on entend dans la chanson n'est rien d'autre qu'une assonance touareg qu'il a samplée...et n'ayant rien à voir avec Berlin !
Il sera également question pèle-mêle d'un duo avorté avec....Patricia Kaas, d'un festival à Vancouver avec...Youssou Ndour et de bien d'autres anecdotes savoureuses.
Après une crise d'inspiration consécutive au départ de son leader des Bad Seeds, Einstürzende Neubauten nous revient en forme étincelante et au sein d'une Cigale surchaufée fait largement le métier.
Wunderbach.


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Einstürzende Neubauten - Rampen (apm: alien pop music)

Il va falloir désormais s'y faire : tout album paru dans les années 2020 est imprégné des aléas et conséquences de la pandémie que l'on sait. Surtout lorsque celui-ci émane d'une formation de 40 ans d'âge qui n'avait pas pour habitude de livrer un album tous les ans.
Le précédent Alles In Allem avait été publié en effet au printemps avant que tout ne bascule  ; et redorait le blason d'un groupe dont la carrière du fait de doubles-albums souvent éreintants, ronronnait depuis une bonne décennie.

Bonne  nouvelle : si la 14ème livraison des berlinois de Blixa Bargeld est à nouveau double, celle-ci tient à nouveau en haleine. Bien moins percussive qu'à son habitude et appuyée par une basse omniprésente (mais ça on avait l'habitude), Rampen...offre des climats variés et apaisés ;  la très minimaliste "Planet umbra" en étant l'une des belles illustrations. Toujours flanqué de son fidèle complice aux percussions N.U Unruh, Blixa distille des ambiances tantôt inquiètes ("Wie lange noch?") ou implorantes (magnifique "Gesundbrunnen") ou revisite le patois local ("Ick wees nich (noch nicht)"). Bargeld s'amuse d'ailleurs à entremêler les sons et les langues, s'y vautre ("The pit of language") au point qu'on ne sait plus parfois dans quelle langue il chante : par exemple le "blümerant'' qui signifie "en fleurs" dans la langue de Goethe et qui est opposé à "bleu mourant" dans "Besser isses".
Conçu principalement comme une oeuvre d'improvisation ce qui a toujours été l'essence de ce groupe hors-normes revendiquant haut et fort les divagations kraut et de Can en particulier, celles du mouvement Dada aussi en tant qu'ex- "Geniale Dilletanten", nombre de ces 15 longues pièces du nouvel album empruntent à divers éléments d'hier, font écho aux oeuvres antérieures telles  "Trilobiten", curieuse histoire de fossile offert à Blixa lors d'une tournée improbable au Canada.

L'édition deluxe du vinyle rend au-delà de sa particularité monochrome un hommage appuyé aux Beatles, éternelle source d'inspiration, reprenant poster et photos séparées des 5 musiciens qui composent les Einstürzende Neubauten du 21ème siècle. Rampen...ou une musique extra-terrestre certes mais terriblement humaine.

En bref : l'album d'après la pandémie des Nouveaux Immeubles Qui Dégringolent. Rasséréné et mélodique. Blixa et les siens n'ont rien perdu de leur superbe.

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23 octobre 2024

The Jesus Lizard - Rack (2024)

Pure, Head, Goat, Liar, Show, Shot, Down, Blue, Bang, Club et aujourd'hui le petit dernier Rack : on ne pourra reprocher aux quatre The Jesus Lizard de manquer de suite dans les idées. Mais le plus important est sans doute d'assister au retour inopiné du groupe fleuron de Chicago des années 90. Revenu cette fois-ci dans son line-up originel car le batteur Mac McNeilly absent du dernier album officiel (Blue - 1998) est revenu au bercail. 

Alors quid de cette 7ème livraison studio ? Où l'on retrouve le quatuor au meilleur de sa forme, un David Yow n'ayant rien perdu de son fiel. Duane Denison est toujours le grand bonhomme de l'escouade et avec l'aide de David Wm. Sims le bassiste (étincelant sur "Lady godiva") il demeure le grand ordonnateur musical des brûlots de The Jesus Lizard. Tout reprend comme si rien ne s'était arrêté et pourtant le monde a bien changé depuis 1998 et Steve Albini le complice et producteur des débuts n'est plus là. Qu'à cela ne tienne,  Duane Denison insinue un solo venimeux plus entendu depuis lurette sur "Armistice day". Et dans la tournée à venir, gageons que les riffs découpés au couteau de "Grind", "Alexis feels sicks" ou "Dunning Kruger" auront leur petit succès. 
Le groupe se permet notamment  LE midtempo qu'est "What if?", sorte de "Mailman" (merveille issue de Shot  qui reste à ce jour leur meilleur album) revisité au ralenti. Ce titre inspiré à Denison par une rencontre fortuite avec une dame dont le destin croisé aurait pu modifier sa vie est l'un des moments forts d'un album sans temps mort. Et si Rack n'offre en définitive que peu de surprises, l'on peu gager sans sourciller qu'une majeure partie de cette nouvelle livraison sera leurs nouveaux "Dancing naked ladies", "Skull of a German" ou "Gladiator" d'hier.
Il n'est certes pas innocent de voir The Jesus Lizard et notamment son mentor en si énergique forme. Rappelons à toutes fins utiles que Duane Denison est le membre du groupe à s'être le plus savamment entretenu durant le long hiatus de son groupe. Collaborations avec Mike Patton (5 livraisons au sein de Tomahawk),  notre homme s'est  aussi offert un ...rack d'effet flambant neuf après avoir jammé et été inspiré par Jack White.

Le magnifique sépia animalier ainsi que les silhouettes de la pochette ne sont pas sans non plus évoquer celle de Liar (1992) l'un de leurs sommets dessinés par l'illustrateur Malcolm Bucknall.
Pas de doute, le grand groupe chicagoan est de retour et prêt à en découdre. Pour en finir avec l'étiquette du band's band ?
(dates françaises annoncées à l'Elysée Montmartre  et à l'Epicerie Moderne (les 17 mai et 4 juin prochain)

En bref : le retour de l'un des grands groupes indé US tendance punk rouleau compresseur. En forme olympienne qui plus est. On a hâte de vérifier tout cela sur scène.

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20 octobre 2024

Serge Gainsbourg - Gainsbourg Confidentiel (1963)

1963 : la carrière de Serge Gainsbourg ne décolle pas. Tant qu'à faire et puisque l'heure n'est pas encore aux tubes écrits pour les autres, autant recentrer le propos autour du verbe et des premières amours jazz. A la croisée des chemins et hésitant entre les voies yéyé et yoyo, Serge délaisse son arrangeur et chef d'orchestre le brillant Alain Goraguer qu'il retrouvera pour Gainsbourg Percussions l'année suivante.

Au casting, l'artiste et ses textes ciselés ("La fille au rasoir"), le contrebassiste Michel Gaudry et l'exceptionnel guitariste tzigane Elec Bacsik qui a frayé avec à peu près toute la variété de l'époque (Moreau, Gréco, Barbara, Nougaro) et les plus grands jazzmen français et américains. Avec lui c'est Django qui s'invite dans l'univers rive gauche et déjà swing des premiers 25 cm. En introduction "Chez les yé-yé" est l'unique confession prophétique du virage pop à venir et la chanson la plus enlevée de l'album avec "Negative blues" qui le clôt. Les thèmes abordés dans ce qui reste l'album le plus dépouillé de l'Oeuvre sont open et moins désabusés qu'il n'y paraissait dès Du Chant A La Une  (1958) : l'amour avec le remarquable "Sait-on jamais où va une femme quand elle vous quitte" et son finale surprenant, "Elaeudanla Téïtéïa" ("S'il faut aller à la dérive / Je veux bien y aller pour toi", superbe). Abordé sous un angle tendre et mélancolique - la très belle "La saison des pluies" composée par Bacsik  ("Un autre viendra qui d'un baiser effacera  / Le rimmel au coin de ses lèvres") -   il n'y a guère que "Maxim's" dont Serge Reggiani fournira une version terrassante,  pour se montrer plus acerbe ("Ah ! baiser la main d'une femme du monde / Et m'écorcher les lèvres à ses diamants"). "Amour sans amour" très primesautier fait le bilan des amours déçues mais "sans illusions, sans orages". L'artiste étant à l'époque sur le point de convoler pour la deuxième fois en justes noces avec une princesse héritière, l'humeur n'est pas forcément à la morosité.

 Le personnage Gainsbourg et les démons intérieurs sont habilement abordées dans "No thanks no", unique chanson où la contrebasse est exécutée à l'archet lui conférant une profondeur dramatique; les addictions seront abordées à nouveau dans l'inénarrable "Coco and co" l'année suivante. "Le talkie-walkie" fait le crossover entre les histoires de coeur et le progrès technologique façon Vian ;  celui désigné aussi dans le rasoir électrique et les fêtes foraines. A cet égard la chanson "Scenic railway" est un modèle du genre. Sur une montée chromatique et des accords en montagnes russes brillamment exécutés par Bacsik, Gainsbourg décoche cette saillie définitive : 

"Je vais te sembler un peu cynique ouais ouais / Y'a pas que les machines pour s'envoyer en l'air."

D'une confondante sincérité et doté de certains des meilleurs textes de l'artiste, le succès de Gainsbourg Confidentiel, sera hélas en adéquation avec son titre : seulement 1500 copies de ce premier 30 cm trouveront preneur ; ce qui est en ces temps des Trente Glorieuses et du marché florissant du disque constituait un échec cuisant. Gainsbourg saura s'en souvenir en revenant assez vite à des collaborations fructueuses, Alain Goraguer, Michel Colombier et Jean-Claude Vannier en tête.

En bref : avant le succès colossal, la sincérité et le talent mis à nu d'un artiste et parolier au sommet de son talent. Un niveau d'écriture qu'il ne retrouvera que peu par la suite.


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09 octobre 2024

Siouxsie And The Banshees - Kaleidoscope (1980)

Couleurs floues et Hamiltoniennes pour ce 3ème essai du grand groupe goth - Siouxsie And The Banshees est évidemment bien plus que ça. Première vraie réussite après les essais débraillés des débuts et sans doute l'un des points d'orgue d'une discographie qui n'en manque pas de ses débuts en 1978 avec The Scream jusqu'au bel album de reprises Through The Looking Glass. Cet album est important à plus d'un titre car il marque le premier bouleversement avec pertes et fracas dans la vie du groupe : le guitariste John McKay et le batteur Kenny Morris ont pris la poudre d'escampette lors d'une houleuse tournée. Qu'à cela ne tienne, Siouxsie continue l'aventure avec son partenaire d'écriture, le très inspiré Steven Severin dont l'inventivité n'est plus à dépeindre et Peter Clarke, exceptionnel batteur plus connu sous le nom de Budgie et qui sera de longues années le compagnon de la dame.

Et surtout les deux départs augurent de l'ère la plus féconde des Banshees qui voit l'arrivée et pour trois disques dont le sommet A Kiss In The Dreamhouse (1982) du plus inspiré des guitaristes post-punk. Malheureusement encore sous contrat discographique avec Magazine, John McGeoch n'apparaît pas sur les visuels de l'album pas plus que dans les clips où c'est Siouxsie le pauvrette qui mime les accords de "Christine". De fait et comme on est dans un entre-deux et qu'il n'est pas officiellement intronisé Banshee, McGeoch dont le rôle ne cessera de devenir prépondérant, ne participe qu'à l'écriture du seul "Trophy". C'est aussi lui qui fournit les lignes de saxophone de "Hybrid" sans doute le seul morceau décevant du lot. Mais il fournit évidemment la 6 cordes partout ailleurs excepté sur 3 titres : l'obsédante "Clockface"où Siouxsie psalmodie ainsi que les très énervées 'Skin" et "Paradise place" sur laquelle le son rond du chorus si particulier de Severin que l'on retrouve aussi dans la formidable "Desert kisses" fait des merveilles. Ici c'est Steve Jones en rupture Pistolienne qui joue : les deux n'apparaissent de toute façon que furtivement sur les crédits.
Où l'on note une fois de plus l'efficacité de Siouxsie et ses hommes sur de leurs emblématiques singles, "Happy house" avec déjà (!) les habiles contretemps de Budgie. Il y a ces sonorités électroniques nouvelles et les synthés de Severin sur les très bons 'Lunar camel" et "Red light", dernier titre qui aura certainement influencé et pas qu'un peu l'excellent duo de nos contrées Kas Product.

Si la capacité à se renouveler et à sortir de la nasse d'un mouvement est la marque des grands, Kaleidoscope fut à l'instar de London Calling  ou Machine Gun Etiquette autres exemples célèbres, la première pierre inscrite par le quatuor londonien. Jamais foncièrement goth en dépit de la coupe de cheveux de sa meneuse en chef et du respect accordé par la scène Batcave locale, Siouxsie And The Banshees allait poursuivre sa mue avec Juju (1981), disque adoré des fans même si moins doté en chansons marquantes de la trilogie avec McGeoch. Et poursuivre ainsi jusqu'au remarquable virage psychédélique de Hyaena (1984) et du plus conventionnel mais réussi Tinderbox (1986).
Avant que de se perdre dans une série de disques moins aboutis et le gimmick toujours renouvelé du "John guitariste" régulièrement renouvelé.
Dis-in-te-gra-ted

En bref : la mise en orbite d'un grand groupe punk qui sut à point nommé se réinventer. Il n'y en en eut pas tant.

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08 octobre 2024

Faust - Faust IV (1974)

Les plus inclassables de la scène krautrock n'étaient pas le groupe sonnant le plus krautrock. Pourtant dépositaire du titre de chanson qui cite nommément ce mouvement - on rappelle que cette terminologie très moqueuse provenait des anglais - Faust est l'un des 4,5 groupes allemands les plus importants et emblématiques de la fertile expérimentation musicale apparue en Allemagne au tournant des années 70.

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04 octobre 2024

Split Enz - Mental Notes (1975)

En voilà de drôles de zozos. Septuor inclassable originaire de Nouvelle-Zélande du côté d'Auckland et mené lors de sa meilleure période par son duo de têtes pensantes Tim Finn / Phil Judd tous deux chanteurs compositeurs attirés et exclusifs, Split Enz s'est surtout fait connaître comme un groupe new-wave à succès jusqu'au milieu des années 80.

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