20 octobre 2024

Serge Gainsbourg - Gainsbourg Confidentiel (1963)

1963 : la carrière de Serge Gainsbourg ne décolle pas. Tant qu'à faire et puisque l'heure n'est pas encore aux tubes écrits pour les autres, autant recentrer le propos autour du verbe et des premières amours jazz. A la croisée des chemins et hésitant entre les voies yéyé et yoyo, Serge délaisse son arrangeur et chef d'orchestre le brillant Alain Goraguer qu'il retrouvera pour Gainsbourg Percussions l'année suivante.

Au casting, l'artiste et ses textes ciselés ("La fille au rasoir"), le contrebassiste Michel Gaudry et l'exceptionnel guitariste tzigane Elec Bacsik qui a frayé avec à peu près toute la variété de l'époque (Moreau, Gréco, Barbara, Nougaro) et les plus grands jazzmen français et américains. Avec lui c'est Django qui s'invite dans l'univers rive gauche et déjà swing des premiers 25 cm. En introduction "Chez les yé-yé" est l'unique confession prophétique du virage pop à venir et la chanson la plus enlevée de l'album avec "Negative blues" qui le clôt. Les thèmes abordés dans ce qui reste l'album le plus dépouillé de l'Oeuvre sont open et moins désabusés qu'il n'y paraissait dès Du Chant A La Une  (1958) : l'amour avec le remarquable "Sait-on jamais où va une femme quand elle vous quitte" et son finale surprenant, "Elaeudanla Téïtéïa" ("S'il faut aller à la dérive / Je veux bien y aller pour toi", superbe). Abordé sous un angle tendre et mélancolique - la très belle "La saison des pluies" composée par Bacsik  ("Un autre viendra qui d'un baiser effacera  / Le rimmel au coin de ses lèvres") -   il n'y a guère que "Maxim's" dont Serge Reggiani fournira une version terrassante,  pour se montrer plus acerbe ("Ah ! baiser la main d'une femme du monde / Et m'écorcher les lèvres à ses diamants"). "Amour sans amour" très primesautier fait le bilan des amours déçues mais "sans illusions, sans orages". L'artiste étant à l'époque sur le point de convoler pour la deuxième fois en justes noces avec une princesse héritière, l'humeur n'est pas forcément à la morosité.

 Le personnage Gainsbourg et les démons intérieurs sont habilement abordées dans "No thanks no", unique chanson où la contrebasse est exécutée à l'archet lui conférant une profondeur dramatique; les addictions seront abordées à nouveau dans l'inénarrable "Coco and co" l'année suivante. "Le talkie-walkie" fait le crossover entre les histoires de coeur et le progrès technologique façon Vian ;  celui désigné aussi dans le rasoir électrique et les fêtes foraines. A cet égard la chanson "Scenic railway" est un modèle du genre. Sur une montée chromatique et des accords en montagnes russes brillamment exécutés par Bacsik, Gainsbourg décoche cette saillie définitive : 

"Je vais te sembler un peu cynique ouais ouais / Y'a pas que les machines pour s'envoyer en l'air."

D'une confondante sincérité et doté de certains des meilleurs textes de l'artiste, le succès de Gainsbourg Confidentiel, sera hélas en adéquation avec son titre : seulement 1500 copies de ce premier 30 cm trouveront preneur ; ce qui est en ces temps des Trente Glorieuses et du marché florissant du disque constituait un échec cuisant. Gainsbourg saura s'en souvenir en revenant assez vite à des collaborations fructueuses, Alain Goraguer, Michel Colombier et Jean-Claude Vannier en tête.

En bref : avant le succès colossal, la sincérité et le talent mis à nu d'un artiste et parolier au sommet de son talent. Un niveau d'écriture qu'il ne retrouvera que peu par la suite.


Lire la suite

09 octobre 2024

Siouxsie And The Banshees - Kaleidoscope (1980)

Couleurs floues et Hamiltoniennes pour ce 3ème essai du grand groupe goth - Siouxsie And The Banshees est évidemment bien plus que ça. Première vraie réussite après les essais débraillés des débuts et sans doute l'un des points d'orgue d'une discographie qui n'en manque pas de ses débuts en 1978 avec The Scream jusqu'au bel album de reprises Through The Looking Glass. Cet album est important à plus d'un titre car il marque le premier bouleversement avec pertes et fracas dans la vie du groupe : le guitariste John McKay et le batteur Kenny Morris ont pris la poudre d'escampette lors d'une houleuse tournée. Qu'à cela ne tienne, Siouxsie continue l'aventure avec son partenaire d'écriture, le très inspiré Steven Severin dont l'inventivité n'est plus à dépeindre et Peter Clarke, exceptionnel batteur plus connu sous le nom de Budgie et qui sera de longues années le compagnon de la dame.

Et surtout les deux départs augurent de l'ère la plus féconde des Banshees qui voit l'arrivée et pour trois disques dont le sommet A Kiss In The Dreamhouse (1982) du plus inspiré des guitaristes post-punk. Malheureusement encore sous contrat discographique avec Magazine, John McGeoch n'apparaît pas sur les visuels de l'album pas plus que dans les clips où c'est Siouxsie le pauvrette qui mime les accords de "Christine". De fait et comme on est dans un entre-deux et qu'il n'est pas officiellement intronisé Banshee, McGeoch dont le rôle ne cessera de devenir prépondérant, ne participe qu'à l'écriture du seul "Trophy". C'est aussi lui qui fournit les lignes de saxophone de "Hybrid" sans doute le seul morceau décevant du lot. Mais il fournit évidemment la 6 cordes partout ailleurs excepté sur 3 titres : l'obsédante "Clockface"où Siouxsie psalmodie ainsi que les très énervées 'Skin" et "Paradise place" sur laquelle le son rond du chorus si particulier de Severin que l'on retrouve aussi dans la formidable "Desert kisses" fait des merveilles. Ici c'est Steve Jones en rupture Pistolienne qui joue : les deux n'apparaissent de toute façon que furtivement sur les crédits.
Où l'on note une fois de plus l'efficacité de Siouxsie et ses hommes sur de leurs emblématiques singles, "Happy house" avec déjà (!) les habiles contretemps de Budgie. Il y a ces sonorités électroniques nouvelles et les synthés de Severin sur les très bons 'Lunar camel" et "Red light", dernier titre qui aura certainement influencé et pas qu'un peu l'excellent duo de nos contrées Kas Product.

Si la capacité à se renouveler et à sortir de la nasse d'un mouvement est la marque des grands, Kaleidoscope fut à l'instar de London Calling  ou Machine Gun Etiquette autres exemples célèbres, la première pierre inscrite par le quatuor londonien. Jamais foncièrement goth en dépit de la coupe de cheveux de sa meneuse en chef et du respect accordé par la scène Batcave locale, Siouxsie And The Banshees allait poursuivre sa mue avec Juju (1981), disque adoré des fans même si moins doté en chansons marquantes de la trilogie avec McGeoch. Et poursuivre ainsi jusqu'au remarquable virage psychédélique de Hyaena (1984) et du plus conventionnel mais réussi Tinderbox (1986).
Avant que de se perdre dans une série de disques moins aboutis et le gimmick toujours renouvelé du "John guitariste" régulièrement renouvelé.
Dis-in-te-gra-ted

En bref : la mise en orbite d'un grand groupe punk qui sut à point nommé se réinventer. Il n'y en en eut pas tant.

Lire la suite

08 octobre 2024

Faust - Faust IV (1974)

Les plus inclassables de la scène krautrock n'étaient pas le groupe sonnant le plus krautrock. Pourtant dépositaire du titre de chanson qui cite nommément ce mouvement - on rappelle que cette terminologie très moqueuse provenait des anglais - Faust est l'un des 4,5 groupes allemands les plus importants et emblématiques de la fertile expérimentation musicale apparue en Allemagne au tournant des années 70.

Lire la suite

04 octobre 2024

Split Enz - Mental Notes (1975)

En voilà de drôles de zozos. Septuor inclassable originaire de Nouvelle-Zélande du côté d'Auckland et mené lors de sa meilleure période par son duo de têtes pensantes Tim Finn / Phil Judd tous deux chanteurs compositeurs attirés et exclusifs, Split Enz s'est surtout fait connaître comme un groupe new-wave à succès jusqu'au milieu des années 80.

Lire la suite