Dire que l'on est obsédé par les deux principaux thèmes de ce magistral soundtrack relève de l'euphémisme.
Début années 70, Philippe Labro et Michel Colombier qui ont à peu près le même âge, sont obsédés de culture US (jeans pattes d'eph, gros ceinturons, appétence pour la pop et le prog) et se rencontrent. Les deux hommes qui ont tout en commun et resteront proches jusqu'au décès de Colombier même après de longues années sans plus se côtoyer physiquement, ne communiqueront toujours que par vouvoiement, aussi surprenant que cela puisse paraître. Labro déjà journaliste, parolier et auteur en vogue s'est déjà frotté à la mise en scène dans une veine polar politicard (Sans Mobile Apparent en 1971) et dans la décennie balbutiante va nouer une relation étroite avec le claviériste-musicien-arrangeur-producteur de tant de merveilles pop frenchy sixties.
Il y a aura L'Héritier bien sûr, Tarot qui occupe la deuxième face de ce disque (on y revient), Le Hasard Et La Violence et L'Alpagueur (1976), notamment, l'autre grande réussite du musicien dans la musique de film. Mais revenons à L'Héritier dont le personnage, sorte de proto-Largo Winch (ses auteurs ont dû plus que s'en inspirer) échoit à un Belmondo qui muscle ici son image, dans un scénario trépidant et dynamique à l'issue inéluctable mais qui aurait totalement déparé en des temps souffreteux car procéduriers à l'extrême : le gentil Bart Cordell use un peu trop de sa virilité et de sa puissance financière pour s'octroyer tous les plaisirs, usant d'une attitude pour le moins phallocrate et brutale envers ses ennemis...mais aussi envers les femmes. Pour servir d'écrin à ce polar haletant, Colombier n'a pas lésiné : le bassiste Jannick Top (Magma) et le musicien de librairie musicale Jean Schulteiss à la batterie, tous deux habitués à collaborer rythmiquement (remarquable partition sur le live de Michel Jonasz au Théâtre de La Ville), Claude Engel autre transfuge de Magma et formidable guitariste ainsi que Michel Colombier lui-même aux claviers.
C'est un déluge de wah wah menaçante, de ruptures et contretemps rythmiques parsemés de syncopes haletantes et la présence d'une section cuivres straight. Ici pas de doute, la France tient son pendant de Lalo Schiffrin, musicien auquel le génial lyonnais fait d'évidence penser. D'ailleurs, le rythme du film, les courses-poursuites, l'épilogue décliné sous quatre angles différents au ralenti sont à l'avenant.
La bande-son est ainsi une réussite totale qui concourt pour beaucoup à faire perdurer la fascination que l'on peut avoir pour un film tout de même très ancré dans son époque et parfois même dispendieux en effets de manche ; Labro lui-même le reconnaîtra.
Mais on le sait, une bande-son sous format disque a ceci de particulier qu'elle peut ouvrir outre les thèmes principaux, une flopée de thèmes non entendus dans le film - ce n'est pas le cas ici hélas et on y revient en 2) ou bien le corollaire, oublier de faire figurer sur le support enregistré moult thèmes ou inserts qui n'eurent pas déparé bien au contraire.
L'Hériter sous format trente-trois tours tutoie à peine les 12' et se voit compléter en face B par la bande-son plutôt médiocre de Tarot. Il eût été plus judicieux d'y adjoindre un certain nombre d'inserts tous plus passionnants les uns que les autres ; ce que l'excellente collection Ecoutez Le Cinéma (n°25) avait su faire pour L'Alpagueur qui n'existait originellement que sous la forme d'un 45 tours.
L'Hériter sous format trente-trois tours tutoie à peine les 12' et se voit compléter en face B par la bande-son plutôt médiocre de Tarot. Il eût été plus judicieux d'y adjoindre un certain nombre d'inserts tous plus passionnants les uns que les autres ; ce que l'excellente collection Ecoutez Le Cinéma (n°25) avait su faire pour L'Alpagueur qui n'existait originellement que sous la forme d'un 45 tours.
Les fans en 2013 ont espéré très fort une édition-anniversaire comme on dit enhanced, ui aurait pu s'enrichir et se découper comme suit :
- "J'emmerde la régie finale" asséné par Jean Desailly ne nécessitant que 5"
- "Brayen enquête": 20'' de 8'55'' à 9'15''
- "Pré-conférence dans le train" : 13" de 14"55"" à 15'08""
- "Brayen s'agace"" : 22'' de 15'40'' à 16'02''
- "Les fantasmes de Lisa" 1'3'' de 19' 17'' à 20' 20''
- "Brayen persévère" : 25'' de 25'05'' à 25'30''
- "Attentat au cimetière" 24'' de 55'20'' à 55'44''
- "Chez Delmas" : 45'' de 1 05' 10'' à 1 05' 50''
- "Poursuite vers l'ascenseur tour : 25'' de 1 13' 30'' à 1 13' 55''
- "Investigations à la villa" : 20'' de 1 18' 20'' à 1 18'40''
- ''A la roseraie"" 10'' de 1 29' 30'' à 1 29' 40''
- ''Kidnapping'' 40'' de 1 38'' 17'' à 1 38' 57'', thème répétitif et récurrent où guitare de Engel et clavinet de Colombier se taillent la part du lion.
Telle entreprise tutoierait à peine les 20' mais rendrait assurément justice à la musique de l'un des moins médiatiques de nos metteurs en sons : on peut associer les styles de Legrand, Cosma et de Lai, dresser des ponts entre Garvarentz et Bolling, souligner les analogies des arts de De Roubaix et Magne, admettre une parenté Sarde-Delerue : rien ni personne ne saurait reve,diquer le son et le savoir-faire inimitable de Colombier.
En bref : la bande-son rêvée de tout amateur de choses prog pro émanant de la riche scène franco-française des années 70. Qui gagnerait un jour à être rééditée in extenso, enrichie de ses meilleurs moments non inclus dans l'album originel. Le sommet d'un très grand musicien de nos contrées.
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