22 décembre 2024

Georges Delerue - L'important C'est d'Aimer (1975)

Ce disque (un CD) n'existe que par son inclusion dans un très beau coffret US réalisé par Mondo Vision en 2009 regroupant également le DVD de l'oeuvre magistrale de Zulawski. Jusqu'alors, seule une poignée de thèmes du film dont la fameuse "Ballade dérisoire" était sortie sur un album Barclay compilant des oeuvres de Georges Delerue. Voici enfin réunie la vingtaine de minutes précieuses de musique habillant L'Important C'est d'Aimer

 Georges Delerue ? Sans doute l'un des plus discrets représentants de la riche scène de compositeurs de musiques de films à la française. Une carrière exceptionnelle riche de trois cents oeuvres dont les soundtracks mais pas la plus médiatique ni la plus citée. Une propension sans doute à verser davantage dans la composition classique et orchestrée avec moins d'incursions pop que ses congénères - il y en a dont le mythique "The brain" aux côtés de The American Breed pour Le Cerveau (1969 ) - ce qui explique cette moindre médiatisation. S'il fallait associer Delerue à un autre grand nom, l'on songerait volontiers à Philippe Sarde et notamment à son Barocco sortie à la même époque pour la majesté des arrangements de cordes et de dissonances parfois bienvenues à la Bartok.
Ses climats  inquiétants font la part belle à la tension des films de Delerue: qu'il s'agisse par exemple de la fabuleuse fresque Les Deux Anglaises et Le Continent (1971) de Truffaut ou du  méconnu Comme Un Boomerang (1976) avec Alain Delon contenant en sus des breaks jazz, tout Delerue exsude la sentimentalité. Mais pas au sens mièvre où on pourrait l'entendre : il s'agit au contraire d'une sentimentalité à fleur de peau comme sur le dérangé L'important C'est D"aimer. Ou l'histoire d'un beau ténébreux journaliste (Fabio Testi) qui s'éprend d'une actrice de cinéma X (fabuleuse Romy Schneider) et qui au gré des tournages, s'immisce dans sa vie privée qu'elle partage avec un oisif désaxé (convaincant et tourmenté Dutronc) ; et essaie au milieu d'une galerie de personnages frappadingues (Claude Dauphin; Gay Mairesse, le terrifiant Klaus Kinski), de la sauver de sa condition et d'un milieu gangrené par le mal ainsi que la mafia qui la fait souffrir. Et ce faisant, la pousse à son corps défendant dans la fange et l'amoralité de personnages plus détraqués les uns que les autres.

Dans ce chaos brillamment exécuté, émerge un thème magnifique de cordes avec de beaux violoncelles majestueux et graves, rapidement interrompu par un marimba et un glissando de timbales qui leur font écho. C'est toute la psyché malade des personnages qui fait corps avec la musique de Georges Delerue. Qu'il s'agisse de la mythique scène de rencontre entre le journaliste et l'acteur psychotique (Kinski) et son amant metteur en scène (grimaçant et méconnu,  Guy Mairesse fabuleux) intitulé par chez nous "Ballade dérisoire" qui a du plus qu'inspirer le générique de Maigret version Crémer écrit par le très estimable Laurent Petitgirard (tant les deux thèmes sont proches), des répétitions théâtrales torturées de Richard III avec timbales, orgue et vibraphone inquiets, de la partouze gargantuesque et ses cordes haletantes saccadées et agressives ("Payback"), tout est à l'avenant.

En 1976, l'Académie des Césars sans doute sous le coup de l'émotion avait décerné pour sa première édition le prix de la meilleure musique au Vieux Fusil de François de Roubaix qui bien sûr avait ses qualités émotionnelles. Nul doute que cette année-là, le sésame aurait du revenir à Georges Delerue au même titre que Romy Schneider légitimement lauréate dans sa catégorie. Pour une partition sublime et déployant des climats équivoques, faisant intensément corps avec l'intrigue et les personnages du film.


En bref : sans doute le grand oeuvre de l'un de nos plus essentiels musiciens et compositeurs de films. Une oeuvre étouffante mais belle et troublante servant d'écrin au chef d'oeuvre d'Andrzej Zulawski.-

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