La France a toujours prisé un rapprochement entre pop et littéralité. Les exemples les plus évidents et qui viennent à l'esprit sont ceux de Dashiell Hedayat et plus près de nous le brillant exercice de style signé Michel Houellebecq, celui d'avant l'association avec Jean-Louis Aubert s'entend.
Jean-Pierre Montal est un auteur qui a déjà publié plusieurs romans dont le petit dernier La Face Nord fait aussi écho à ce premier album des Mercuriales.
Les Choses M'Echappent démarrent comme du Léo Ferré millésimé 1970, annonçant le talk-over à venir, reminiscent de la gouaille contestataire d'un Diabologum (fameux groupe toulousain indé des 90's) qui aimait dans un mode noisy déverser aphorismes et digressions vachardes mais hilarantes sur la condition humaine. Avec cette fois ci non pas un Dali mais un Lacan habité qui introduit et débite sur la mort lors d'une conférence. La mort est d'ailleurs présente à tous les étages
("Qu'il paraît long ce mois de décembre / Depuis que j'ai lu ton nom dans le journal :15 heures, stricte intimité, Cathédrale Saint-Charles"), mais cette fois-ci avec un background musical qui évoquerait davantage les riches heures d'un Kat Onoma, plus jazz feutré menaçant que noisy métaphysique donc.
Jean-Pierre Montal écrit bien, sans chichis et accompagné d'un aréopage de rock critics (le bassiste Thomas E. Florin, le batteur Sam Ramon), d'un saxophone (Stanislas de Miscault), du multi-instrumentiste Fred Collay (guitare, flûte, orgue) va à l'essentiel. Avec comme but avoué de sonner davantage comme Lou Reed et J.J. Cale que comme Robert Plant ou Freddie Mercury (dixit Montal). Qui ne se départit jamais d'un certain humour ("Je pratique le tir", meilleur morceau du disque) :
"Je pratique le tir dans un monde usé / Je pressens le pire mais sais m'amuser / Je pratique le tir dans un monde usé / En ligne, je tiens en respect".
Dans un disque où les influences cinématographiques abondent, du Feu Follet et Maurice Ronet dans "Les choses m'échappent" à l'imper mastic et au feutre Melvilliens de "Je pratique le tir" et du superbe texte de "Trilogie" ("En trois actes, bien souvent tout est dit (...) C'est ainsi que ce maudit rythme ternaire palpite derrière chaque vie").
Jamais sentencieux , le style à la fois sardonique et détaché de Jean-Pierre Montal rappelle aussi grandement ceux de Philippe Pigeard et de feu son groupe Tanger pour ce qui est de savoir happer et créer une atmosphère dans de fausses apparentes jams, tout au long de morceaux longs et qui allient beauté textuelle et musicalité roborative : on écoute Les Mercuriales autant qu'on s'envape de sa musique.
S'il fallait une dernière preuve du bon goût de ce groupe "à la française", ce serait cette relecture dépouillée du remarquable "Dying on the vine " de John Cale jadis enregistré par son auteur dans d'affreux gimmicks de production années 80, et présent ici en bonus track dans son plus simple appareil.
S'il fallait une dernière preuve du bon goût de ce groupe "à la française", ce serait cette relecture dépouillée du remarquable "Dying on the vine " de John Cale jadis enregistré par son auteur dans d'affreux gimmicks de production années 80, et présent ici en bonus track dans son plus simple appareil.
Le disque-essai de l'année, racé et sans prise de tête. Indéniablement.
En bref : nouvelle tentative (réussie) hexagonale d'un crossover littérature / pop music. Textes marquants et une patte sonore qui rappelle bien de nos artistes chéris d'ici
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